Le calvaire de Carmelle, jadis commerçante à Clercine

Le calvaire de Carmelle, jadis commerçante à Clercine

Le jeudi 29 février 2024, ce fut le début des tourments de l’année. Entre la visite de l’ancien premier ministre Ariel Henry au Kenya, sa déclaration par rapport aux élections qu’il comptait organiser en 2025 pour passer le pouvoir en 2026, et la coalition de plusieurs groupes armés sous l’appellation “Viv ansanm”, on allait connaître de jours sombres. Ce qui semblait être de petite turbulences dans quelques coins de la capitale, s’est vite transformé en un véritable “peyi lòk”, paralysant plusieurs activités pendant environ deux (2) mois.

Les premières cibles de la coalition furent les commissariats. Plusieurs ont été attaqués, d’autres incendiés et pour ceux qui sont encore intacts, des dispositions ont été prises. C’est le cas du commissariat Clercine, couramment appelé “BIM”. Stations de moto, de tap-tap, de petits commerçants qui squattaient non loin du commissariat ont été contraints de vider les lieux. Une mesure de précaution qui a quand même eu de sérieuses répercussions sur la vie des commerçants, notamment Carmelle, qui livrait, tant bien que mal son petit commerce de maquillage.

Un début presqu’insignifiant

A l’instar de tant d’autres personnes, Carmelle ne pensait pas que la situation prendrait autant d’ampleur. Celle qui s’était sentie touchée pour les motards qui peinaient à retrouver leur clientèle après que les alentours du “BIM” leur aient été interdits, va elle-même, par la suite, être frappée par la même interdiction. “Lè yo fenk di nou pa vann bò plas la, m te di bagay yo p ap dire, omwen aprè yon semèn tout moun ap ka retounen pran plas yo” épilogue la jeune femme qui frise la vingtaine.

Le mois de mars écoulé, l’inquiétude était à son comble. Carmelle ne savait à quel saint se vouer, elle dont les maigres revenus servaient à subvenir aux besoins de ses deux filles. “Bò lakay mwen pa kote mwen ka vann pwodui makiyaj, lè yon mwa rive sou mwen, m konn rete m kriye paske m pa wè ni anwo ni anba” raconte-t-elle.

Un parcours de combattant

Carmelle a débuté avec son petit commerce avec la vente de beurre d’arachide, en 2020 après qu’elle ait perdu sa mère dans un accident de moto. A l’époque, elle n’avait qu’une seule fille dont le père prenait rarement soin. A la mort de sa mère, elle a dû se mettre avec un autre homme pour qui elle tomba enceinte 3 mois après leur rencontre. Alors que son commerce florissait, la jeune femme a dû arrêter à cause des malaises dues à la grossesse. Son compagnon, contraint de mettre les voiles pour le Chili, lui a laissé une somme afin qu’elle puisse se débrouiller.

Grâce à une amie qui gérait déjà son affaire à Clercine, Carmelle a bénéficié d’une place à côté de son amie. Au début ce n’était qu’une petite cuvette remplie de rouge à lèvres. Au fil du temps, son commerce s’est agrandi et elle a pu s’offrir d’autres matériels de maquillage. A noter qu’elle avait commencé son commerce accompagnée de sa 2e fille qu’elle emmenait avec elle chaque jour jusqu’à ce qu’elle trouve une cousine à elle pouvant garder les deux enfants.

Pas de calme après la tempête

Deux mois après que les choses semblent aller mieux, l’interdiction d’exposer ses marchandises est toujours de mise. Alors que les motards et les chauffeurs de tap-tap se frayent un chemin pour arriver à leur  fin, les petits commerçants qui investissaient  les alentours du “BIM” sont toujours aux abois.

“M ap chèche yon lòt kote pou m ta vann, men li pa fasil. Tout kote gentan gen mèt yo, epi se pa sèl mwen menm k ap chèche plas” explique Carmelle.

On est au mois de juin, et les recoins où se situent habituellement les commerçants est encore vide. Carmelle en profite pour envoyer un message aux autorités : “peyi a se pou nou tout viv; yon pòsyon pa ka ap byen vire epi yon lòt pòsyon ap mouri nan grangou. Voye je gade peyi a souple”.

La situation du pays semble s’améliorer quoiqu’on ait l’impression de marcher sur des charbons ardents; cependant plusieurs secteurs ont été affectés et peinent encore à se remettre sur pied. Carmelle, une victime de cette crise lance un SOS. Elle n’en peut plus; elle survit.

Darline Honoré

Publishing Team

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